Forum de Davos - Attention: eau québécoise à vendre!
Fidèle au rendez-vous depuis 40 ans, la réunion du Forum économique mondial est en cours à Davos. La rencontre internationale aussi controversée que clinquante compte à nouveau sur une brochette prestigieuse de chefs d'État, de dirigeants d'entreprises et autres faiseurs d'opinions triés sur le volet. Business as usual, diront certains, mais la candeur des décideurs a perdu de son lustre depuis la «tempête parfaite» qui a déferlé sur l'économie mondiale.
Tout récemment, un rapport du forum de Davos plantait bien les préoccupations qui viennent troubler le sommeil de cet ensemble de leaders: l'insécurité et les nouveaux risques découlant d'une mondialisation débridée et d'un monde de plus en plus complexe. Parmi ces risques, celui de l'accessibilité à l'eau et à l'énergie, ainsi que la crise alimentaire mondiale qui fait trembler de nombreux gouvernements.
Amochés par une crise économique majeure, les États et la communauté internationale ne peuvent plus compter sur une capacité de réponse suffisante pour juguler des crises qui se succèdent à un rythme accéléré. [...]
De Québec à DavosLe premier ministre Jean Charest et le ministre Clément Gignac participent à la réunion de Davos. Avec quel mandat? Bonne question. Les plus cyniques diront sans doute qu'ils chercheront à rassurer les investisseurs pour éviter le déménagement d'entreprises qui, comme Electrolux, comptent actuellement sur les largesses de l'État québécois et n'attendent que la bonne occasion pour faire affaires ailleurs.
Comme ils nous y ont habitués, ils jaseront sans doute commerce. L'accord économique et commercial global avec l'Union européenne figurera sans doute au coeur des préoccupations de la délégation québécoise. Espérons-le, parce qu'en cette matière, les gouvernements québécois autant que canadien n'ont pas annoncé leurs couleurs clairement. Quels compromis nos gouvernements sont-ils prêts à faire pour élargir leur accès aux lucratifs marchés européens?
Derrière des portes closes, les gouvernements d'Europe et du Canada sont actuellement en train de négocier cet accord commercial dont les effets secondaires pourraient être immenses. Devant le blocage des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et l'échec de l'intégration continentale, cet accord contournera une fois de plus l'espace public pour se discuter dans la même culture du secret.
PrivatisationL'une des cibles de cet accord: les systèmes publics d'aqueduc et de traitement des eaux. Les multinationales européennes des eaux travaillent fort en coulisse pour que les provinces et les municipalités du Québec et de l'ensemble du Canada cèdent la gestion publique au secteur privé. Les rondes précédentes de négociations avaient toujours vu des gouvernements canadiens et québécois agir avec prudence de manière à protéger ces réseaux publics. Or, il semblerait que cette fois-ci, les négociateurs canadiens veuillent y aller plus gaiement et aient perdu leurs inhibitions.
Les arguments qui vont à l'encontre de cette privatisation sont pourtant légion, à commencer par l'histoire récente. Les expériences de privatisation se sont soldées par des échecs et bien des villes, comme Bruxelles, prennent plutôt la voie inverse et «remunicipalisent» des systèmes de gestion des eaux passés au privé. Les accords commerciaux représentent autant d'obstacles légaux qui réduisent le pouvoir du public à réparer les pots cassés. Privées de bien des marchés publics alléchants, il n'est donc pas surprenant de voir ces entreprises forcer la main de pays étrangers afin d'y déployer leurs «expertises»...
Faut-il le rappeler, l'eau est un droit vital. En confier la gestion au secteur privé, c'est ouvrir la porte aux malversations et aux pratiques douteuses, comme la saga du contrat sur les compteurs d'eau a su le démontrer avec fracas à Montréal. [...] À la marchandisation de l'eau, opposons la vigilance et la mobilisation citoyennes et politiques.