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La nouvelle réalité des pays virtuels
Marie-Hélène Deschamps-Marquis, avocate*
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Depuis quelques années, le développement des technologies de communication incite à voir le monde différemment. La distance, le principal obstacle, perd de l'importance. Les multinationales se multiplient. Et par le biais de l'autoroute de l'information, les petites et moyennes entreprises font maintenant affaires avec des clients situés sur l'ensemble de la planète.
Inspirés de cette nouvelle réalité, certains ont imaginé la vie dans un pays idyllique, sans taxes, sans pollution et sans criminalité. Un pays neuf, sans histoire, regroupant des individus triés sur le volet. Du rêve à la réalité, il n'y avait qu'un pas qui fut allègrement franchi sur Internet avec diverses propositions de pays virtuels. Malgré plusieurs projets saugrenus, un retient plus particulièrement l'attention, celui de New-Utopia.
New-Utopia
Fruit de l'imagination d'un prétendu millionnaire américain frustré d'enrichir le gouvernement de ses succès financiers, New-Utopia fut fondée en septembre 1996. Elle a à sa tête le Prince Lazarus, qui défend sa monarchie par l'obligation de stabilité gouvernementale du pays et utilise un conseil de gouverneurs pour veiller à la gestion des différents as-
pects de la fonction gouvernementale !
La Principauté de New-Utopia possède son université virtuelle nationale (International University of Advanced Studies), qui propose des cours sur la connaissance nécessaire à la survie sur la terre dans le prochain siècle, la colonisation des océans
et l'exploitation et la colonisation de l'espace. On peut s'inscrire et payer ses frais de scolarité pour la session qui débutera en septembre prochain par le biais d'Internet.
New-Utopia prétend avoir des droits sur un territoire au large des côtes du Honduras où certaines petites îles n'ont, semble-t-il, jamais été exploitées. Forts de cette découverte, le Prince Lazarus et son équipe ont décidé de se les approprier et ont l'intention d'y construire une ville reposant sur l'eau, à l'image de Venise. En plus de posséder une température idéale, ce pays est un véritable paradis fiscal puisqu'aucun impôt ou taxe n'est imposé à ses citoyens. New-Utopia possède aussi sa propre monnaie, le New Utopian.
Et pour financer tous ces beaux projets, New-Utopia émet des obligations. Ceux qui souscrivent se voient offrir la citoyenneté (on s'approche du concept d'impôt...). En juin 1997, la principauté comptait 314 citoyens!1
L'organisation de New-Utopia se prend très au sérieux. Son secrétaire d'État, Richard S. Balch, a même fait parvenir au secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, une lettre lui demandant d'accepter New-Utopia comme membre des Nations unies. Le gouvernement de la Principauté aurait aussi fait parvenir à différents pays, dont le Canada, des lettres les avisant de son existence. Aucune suite officielle n'a été donnée à ces requêtes.
Au-delà du caractère insolite de ces pays virtuels, il est intéressant d'étudier les aspects juridiques de droit international public et de droit des affaires soulevés par l'apparition de ce nouveau type d'État.
Droit international public
On peut se demander d'abord si un pays virtuel comme New-Utopia peut être considéré comme un État au sens du droit international public. La Convention panaméricaine de Monte-video sur les droits et devoirs des États2 précise que, pour se qualifier comme État en droit international, un État doit posséder une population permanente, un territoire défini, un gouvernement, la capacité d'entrer en relations avec d'autres États.
Un pays virtuel du type New-Utopia possède a priori une population permanente, un gouvernement et la capacité d'entrer en relations avec d'autres États. Le problème de souveraineté sur un territoire est plus complexe mais, en présumant que le droit dans l'île convoitée a été obtenu en conformité avec le droit public, le pays virtuel peut posséder la personnalité juridique au sens du droit public international.
En ce qui a trait à la reconnaissance de ces pays par les autres États, elle demeure discrétionnaire. Certains prétendent qu'il s'agit d'un élément constitutif de la personnalité juridique, mais le courant dominant soutient qu'il s'agit d'un élément déclaratoire essentiellement politique dont le principal impact est de faciliter les relations internationales et d'attribuer la personnalité juridique dans le droit interne de l'État qui reconnaît.
Il semble donc qu'il serait possible aux pays virtuels de devenir des États reconnus par le droit international public.
Investissement et incorporation
Pour une entreprise appelée à faire commerce sur l'Internet ou pour l'investisseur, ce type de paradis fiscal peut paraître une solution avantageuse. Mais, tant qu'il ne s'agit pas d'un pays reconnu par le Canada, l'enregistrement d'une entreprise dans cette juridiction n'est pas valable en droit interne canadien. Il faut de plus être très vigilant puisque les banques opérant à partir de ces pays sont habituellement non licenciées, ce qui signifie notamment que les dépôts qui y sont faits ne sont pas garantis.
Avec l'esprit de globalisation des marchés qui souffle dans le monde des affaires, l'avocat doit se renseigner sur les nouvelles initiatives légales permettant à ses clients de demeurer compétitifs. Toutefois, pour l'instant, il vaut mieux continuer de rêver aux pays virtuels sans laisser ce rêve devenir un cauchemar...
New-Utopia
Pour acquérir la citoyenneté New-Utopienne et suivre l'évolution de ce projet.
http://www.new-utopia.comInternational University of Advanced Studies
Pour la liste des cours de l'Université de la Principauté de New-Utopia.
http://www.millennial.org/~iuasOceania
Un autre projet de pays virtuel.
http://www.oceania.orgDominion de Melchizedek
Un pays né au dernier étage d'un immeuble de Jérusalem qui trouve sa source dans la pratique religieuse et possède une structure bancaire élaborée.
http://www.melchizedek.comLaissez Faire City
Pour un pays virtuel carrément situé dans le cyberespace, bien que les ordinateurs eux doivent être situés physiquement sur la planète...
http://www.lfcity.com1 Il n'y a pas de statistiques à jour du nombre de citoyens.
2 En vigueur depuis le 26 décembre 1934 entre les États-Unis et certains pays de l'Amérique latine.
* Me Deschamps-Marquis complète présentement une maîtrise en droit de l'informatique et de la propriété intellectuelle à l'Université McGill.
volume 30 - numéro 12 - 1er juillet 1999
Tiré de
http://www.barreau.qc.ca/journal/frames ... lenet.html