Je me propose de vous fournir une série d'articles sans prétentions sur la culture japonaise (un de mes centres d'intérêt parmi tant d'autres) en évoquant son art, son histoire et des phénomènes de société aussi fameux que le développement de la pègre japonaise, les Yakuza. Je ne suis pas expert sur le sujet dans la mesure où mes études en histoire se portent plutôt sur l'histoire militaire contemporaine et européenne mais j'ai lu de nombreuses choses sur la question, côtoyé des personnes plus savantes que moi et j'ai rédigé quelques articles pour divers sites et forum. Sans plus attendre mon premier article consacré à une partie important de l'art japonais traditionnel.
Le grand âge d’or de l’estampe nippone
On considère souvent la seconde moitié du XVIIIe siècle et la première partie du XIXe comme l’ère la plus riche de l’estampe au pays du soleil levant.
Cette illustre période vit en effet se produire trois maîtres en la matière Outamaro (1753-1806), Hokusai (1760-1849) et Hiroshige (1792-1858).
Ces artistes laissèrent l’empreinte indélébile de leur talent immense dans la prolifique histoire de l’art japonais.
Revenons si vous le voulez bien tout d’abord sur l’art de l’estampe, dans une description sommaire de la technique.
L’estampe japonaise est avant tout le fruit d’une étroite collaboration entre divers métiers, celui du peintre évidemment mais aussi celui du graveur et de l’imprimeur.
Le peintre dessine tout d’abord le modèle et peint celui-ci, afin d’offrir au graveur le support essentiel pour effectuer sa tâche.
Une fois le dessin effectué le graveur colle le papier sur le bloc de bois (de cerisier généralement) et entaille celui-ci à travers le dessin, à jamais perdu.
Le rôle de l’imprimeur vient ensuite et est tout aussi délicat.
Son travail consistait en effet à transposer sur le papier la finesse de l’œuvre de départ sans omettre les détails et en variant subtilement les couleurs (pour les œuvres polychromes évidemment).
Ce subtil ouvrage s’effectuait uniquement à la main et était relativement laborieux mais il nous offrit des chefs d’œuvres remarquables.
Kitagawa Outamaro (1753-1806)
Outamaro est un des maîtres de l’estampe les plus admirables, ses œuvres traitaient élégamment de sujets divers, même si on le considère avant tout comme le peintre de la femme japonaise avant tout.
Il les représenta à maintes reprises dans un idéalisme gracieux, qu’elles soient courtisanes, femmes du peuple ou encore dames de la noblesse, il puise notamment ses sujets à Yoshiwara, le quartier des plaisirs de Tokyo (anciennement Edo).
Son œuvre est marquée par une teinte particulière un ton harmonieux, légèrement passé mais toujours très brillant.
Sa vision de la femme nippone est totalement idéaliste en effet bien que les japonaises aient un visage arrondi, Outamaro adopte le visage ovale souvent allongé à l’extrême, toutefois l’artiste parvient à garder cette touche séduisante et captivante dans ses compositions toute empreinte d’un charme certain.
« La chevelure, très haute, est ornée de multiples épingles, et, sous de fin sourcils très arqués, les yeux sont à peine entr’ouverts ; le nez long est sommairement indiqué et la bouche minuscule donne l’impression de deux pétales de fleurs » (description trouvée dans une grammaire de style : l’art japonais , je la trouvais tellement juste que j’ai décidé de la reproduire)
Il faut noter aussi la qualité de la composition des kimonos dans ces œuvres le tracé de ceux-ci est remarquable et les teintes employées sont toujours harmonieuses.
Outamaro n’était pas uniquement un idéaliste on lui doit beaucoup d’œuvres réalistes illustrant des livres d’histoire naturelle, qui sont des chefs d’œuvre d’observation et de coloris.
Il consacre d’abord un livre aux insectes, les Insectes choisis, où il décrit avec habileté ses modèles rampants. Vint ensuite le livre, Cent crieurs, qui offre une étude sur les oiseaux et enfin les Souvenirs de la marée basse qui traite des coquillages.
--------------
Hokusaï (1760-1849)
Après avoir évoqué en quelques lignes la technique de l’estampe et les traits de l’œuvre d’Outamaro, je vais, maintenant, m’attaquer à la personne et à l’œuvre d’un maître fameux de l’estampe, je parle bien sur d’Hokusaï.
Abordons dans un premier temps, si vous le voulez bien, l’histoire et le caractère du personnage en quelques menues lignes.
Hokusai Katsushika (北斎 葛飾) naquit en 1760 à Edo, il est adopté à l’âge de trois ans, il développe très tôt son amour pour les arts, dès 1778 il débute son apprentissage auprès d’un maître fameux pour ses portraits d’acteurs, Katsukawa Shunsho.
Après la mort de son professeur, il quitte son école pour errer et vivre une existence de bohème, poursuivis par des hordes de créanciers et des dettes sans fin, on dit qu’il déménagea nonante (quatre-vingt-dix) fois durant sa vie.
Peu soucieux de l’argent, Hokusai se consacre entièrement à son art, il y met toute son âme et tout son être avec une stricte modestie.
Il parle d’ailleurs de lui en ces termes : « Je dessine depuis l’âge de six ans, j’ai toujours travaillé et pourtant je suis mécontent de tout ce que j’ai fait jusqu’à septante ans (soixante-dix ans). Ce n’est qu’à partir de septante-trois ans (soixante-treize ans) que j’ai commencé à comprendre la forme et la nature vraie.
A quatre-vingts ans, j’aurai fait des progrès et à nonante ans (quatre-vingt-dix ans) j’arriverai au fond des choses.
Je pense à cent ans être supérieur et, à cent dix ans, tout sera vivant dans mon œuvre. »
Malheureusement le maître succombera bien avant en 1849, à l’âge toutefois respectable de 89 ans.
Ses dernières paroles auraient été : « Encore cinq ans et je serais devenu un grand artiste ». Preuve qu’il avait donc revu son jugement à propos de sa propre qualité ^^.
Hokusai nous laisse alors un héritage artistique considérable, composé de milliers de dessins, d’estampes et gravures.
- Moissoneurs au travail par Hokuzai -
Son estampe la plus célèbre est sans doute « la vague », « Le mont Fuji vu de Kanagawa (神奈川沖波裏) » plus correctement, issu de ses 36 vues du Mont Fuji (富嶽三十六景; Fugaku Sanjū-Rokkei)
-La Vague, dans les trente-six vues du Fuji par Hokusai -
Cette œuvre nous montre toutes les qualités d’Hokusai, qui parvient à retranscrire la superbe puissance de l’élément marin, c’est a mon avis une synthèse magnifique de son talent et de la vivacité de son trait.
La recherche du mouvement n’est pas seulement caractéristique de « sa vague », il cherche à reproduire, dans toutes ses créations, une intense impression de mouvement « Je voudrais que mes personnages et mes animaux aient l’air de se sauver du papier et que tout soit vivant dans mon art, soit une ligne, soit un point » dira-t-il.
Si je peux toutefois adresser une petite critique, toute personnelle, je dirais qu’Hokusai n’est pas aussi excellent coloriste qu’il est admirable dessinateur, il est dans ce domaine dépasser par Hiroshige.
Pour finir, Hokusai sera une grande source d’inspiration pour les « japonistes » comme Van Gogh ou Monet (quelques-unes de ces œuvres du japonisme sont exposées au musée Van Gogh à Amsterdam,).
Je ne vais pas aller plus en profondeur, je ne fais ici que survoler l’œuvre, je suis loin de faire une étude stricte de son travail si vous êtes toutefois intéressés par le personnage et ses estampes je vous conseil d’aller voir les sources que je vous ai laissé ci-dessous ou n’hésitez pas à me demander quelques informations supplémentaires je suis là pour cela ^^
--------------
Hiroshige (1797-1860)
Voici enfin la troisième partie de la série de trois articles qui avaient pour objet l’estampe nippone. Après avoir présenté de manière succincte Utamaro Kitagawa ( 歌麿 喜多川) et Hokusai Katsushika (北斎 葛飾) je vais m’intéresser à un non moins célèbre artiste je parle bien sur de Hiroshige Utagawa (広重 歌川) (1797-1858)
- Portrait posthume à la mémoire d'Hiroshige peint par le peintre et ami Utagawa Kunisada (1786 -1864)
Je dois avouer tout de suite que j’ai un faible pour l’œuvre d’Hiroshige, je tenterai toutefois de ne pas tomber dans une admiration subjective de ce maître incontesté de l’art nippon (et je suis pas le seul à le dire ^^)
Ce qui marque tout de suite dans les œuvres d’Hiroshige c’est le traitement des couleurs, dans ce domaine il est bien supérieur à Hokusai, « il affectionne les harmonies subtiles, les crépuscules, les jeux de lumière des fonds qui s’estompent. »
Il est un des rares peintres nippons qui ait connu et pratiqué la perspective des artistes européens ; en l’associant, parfois, à la perspective japonaise, qui est la perspective cavalière ou aérienne.
- Edo de nuit
Hiroshige est aussi très connu pour ces effets de neige, brillamment rendus, voici un exemple :
Mais il a un talent incroyable, je trouve, pour les effets de pluie, illustrés par ces deux exemples (j’ai une préférence pour le second) :
- Une averse sur le pont de Ryogoku
- Un orage à Todasu-no-Mari (excusez pour la qualité mais c’est une copie d’un livre de 1929, si vous avez une image en meilleure état n’hésitez pas ^^)
Cette seconde image traduit avec habileté la fureur de l’orage qui s’abat sur des personnages masqués par la pluie qui s’abat avec violence, remarquez aussi la courbure des arbres qui ploient sous la force du vent.
Hiroshige est comme vous pouvez le constater un paysagiste doté d’un certain talent, on remarque tout de suite son amour pour la nature, la poésie qui découle de ses oeuvres.
Il est aussi connu pour ses séries d’oiseaux, de poissons et de fleurs.
- Carpe
On peut aussi citer parmi ses œuvres célèbres Les Cinquante-trois étapes du Tōkaidō (Tokaido Gojusan no Uchi), Vingt-huit vues de clair de lune (Tsuki Niju Hakkei), Vues célèbres des soixante provinces (Rokujuyoshu meisho zue),…
- La plage de Maiko (Extrait des « Vues célèbres des soixante provinces)
Malheureusement après Hiroshige et l’âge d’or de l’estampe on assistera à la décadence de cet art au pays du soleil levant.
--------------
Sources
-
http://en.wikipedia.org/wiki/Hokusai
- Henry Martin, La grammaire des styles : L’art japonais, 1926.
-
http://www.mfa.org/collections/search_a ... ds=hokusai
- 2779 œuvres du maître
http://visipix.dynalias.com/search/sear ... d&jump_to=
- S. Elisseev, la Peinture contemporaine au Japon, 1922.
- manga d’Hokusai :
http://www.geocities.com/Vienna/1834/manga1/
-
http://www.ponpokopon.net/histoiredelart/utamaro.html
--------------
Voilà « L’âge d’or de l’estampe nippone » c’est fini, j’espère que j’ai pu vous faire découvrir ou redécouvrir l’univers de l’estampe japonaise au travers de ces trois artistes. Ce n’était là qu’un bref survole qui vous poussera, je l’espère, à découvrir par vous-même plus en profondeur l’œuvre de ces artistes.
- Que pensez vous de ces trois artistes ? Avez-vous une préférence ?
- Est ce que l'art en général vous touche, vous intéresse ?
- Avez vous des périodes de prédilection ? Des artistes préférés ?
ps: on va laisser de coté la musique car le champ couvert par celle-ci est tellement vaste qu'on aurait plus la place d'évoquer les autres "beaux-arts" et surtout car je vous proposerai un article sur l'histoire de la musique japonaise.